RITA
RITA
ANTALYA // TURQUIE
HIVER 2023
Quand je l'ai connue, elle vendait des éclairs à Antalya, ville suspendue aux falaises de l'Anatolie, paisible rempart aux flots de la Méditerranée.
Quand on est turque, normalement, on ne s'appelle pas Rita. On s'appelle Yildiz, Melis ou Buse, mais on ne s'appelle jamais Rita. On s'appelle Rita quand l'un des deux parents est allemand, ce qui est le cas pour Rita.
Elle est grande, certainement plus grande que vous et clairement plus grande que moi et il s'avère que chez Rita, la majesté s'accorde de l'altitude ; élément de grâce parmi d'autres, qui transforme chacun de ses gestes en ondes tranquilles.
Je ne sais quel genre de brasier se cache sous cette paisible apparence, mais les flammes y sont bien là, clandestines. Gare aux tempéraments calmes, la colère, c'est comme tout, pour qu'elle soit maîtrisée, encore faut-il en avoir la pratique.
Rita a un amoureux, il s'appelle Berk. Tout comme elle, il possède deux passeports ; le turc et l'italien. Les deux forment un couple qui respire, lorsqu'on les rencontre, bienveillance et intelligence.
Rita a aussi un chat, Curry, qu'elle promène en laisse dans les rues d'Antalya, ou dans le panier de son vélo.
Rita est-elle heureuse ? Elle est lucide. Sur elle, sur l’idée qu’elle se fait d’une relation, sur la réalité de son monde. On lui perçoit parfois au creux des yeux un air de “Mais qu’est-ce que je fous là, au juste ?”. Le regard qui se perd au lointain. Des yeux bien sombres et bien brillants, qui s’égarent au devant dans une fuite en avant toute existentielle.
Pour le moment elle semble comme dans le hall d'une gare à attendre un train dont elle ne connaîtrait pas l'heure d'arrivée. Mais il arrivera ce train, c’est sûr.